Comprendre la faillite de l’Islande et les facteurs ayant permis sa reprise économique
En 2008, le dépôt de bilan des 3 principales banques islandaises entraine, de facto, la faillite de l’Islande, un petit pays de 300 000 habitants qui affichait jusqu’alors le 2ème niveau de vie de la planète, juste derrière la Norvège. Mobilisation générale : l’intervention du FMI, la nationalisation des banques et le gel des capitaux aura finalement un effet salutaire, permettant à l’île nordique, en quelques années, de retrouver son aura du passé, sans avoir trop altéré son modèle social. Nous allons essayer de comprendre comment un 1er de la classe a pu décrocher si subitement et quels ont été les remèdes miracles ayant contribué à sa résurrection économique.
Le miracle islandais des années 2000-2007
Tout au long du siècle dernier, le peuple islandais vivait tranquillement de la pêche dans une relative autarcie protectrice liée à son éloignement géographique. Jusqu’à ce que les élites de l’ile se lancent, en 1994, dans un vaste virage libéral en ralliant l’Espace économique européen.
Regroupé dans 3 établissements principaux (Kaupthing, Glitnir et Landsbanki ), le secteur bancaire insulaire parachève alors sa privation en 2003 et s’adonne à des activités de spéculation à tout va, accumulant des actifs qui finiront par atteindre… 880 % du PIB de l’île à la fin de 2007.
Les médias font la une du ‘miracle islandais’, un paradis économique affichant un taux de croissance de 4,5% annuel sur la dernière décennie, un pays ou la dette est minime et le chômage inexistant. Bref, que du bonheur !
La crise des subprimes US vient gâcher la fête en 2008
Mais, patatras !, la crise des subprimes outre-Atlantique vient éveiller la vigilance des traders sur les risques liés à des investissements (trop) risqués ! On découvre ainsi que de nombreuses banques islandaises ont octroyé, elles-aussi, pléthore de crédits « toxiques », selon une terminologie déjà en vigueur aux US pour caractériser des offres de prêts trop peu sécurisées. De plus, au lieu de se consacrer en priorité à leurs activités traditionnelles, les principales banques de l’île se sont mises à fonctionner comme des fonds spéculatifs, procédant à de nombreuses acquisitions à l’étranger, sans assurer le minimum de contreparties qu’aurait exigé un saine gestion.
Quant aux islandais eux-mêmes, poussés par l’euphorie contagieuse du développement bancaire (et les campagnes publicitaires d’incitation au crédit !), ils se sont lancés dans des emprunts inconsidérés, ce qui a eu pour effet de faire monter l’inflation (14% en moyenne lors des 12 mois précédents la crise).
De son côté, la Banque centrale d’Islande a conservé des taux particulièrement élevés (15,5%) très supérieurs à ce qui se pratiquait en Europe, ce qui a eu pour effet d’attirer de nombreux fonds d’investissements, particulièrement anglais et néerlandais. La masse monétaire islandaise s’est mise à gonfler de façon disproportionnée par rapport à l’accroissement du PIB, créant ainsi une bulle financière préoccupante.
En Septembre 2008, la faillite des Lehman Brothers sonne le glas du système bancaire islandais, incapable désormais de se refinancer sur le marché interbancaire.
Quant à la Banque centrale d’Islande, sa modeste capitalisation ne lui permet pas de venir au secours de ses banques nationales. Seule solution : déclarer les 3 principales banques du pays en faillite, ce qui présente l’avantage suivant: les comptes bancaires des ménages résidents sont préservés, évitant le chaos intérieur. Quant aux étrangers qui avaient placé leurs deniers sur des comptes dans l’île, …ils ont tout perdu !
Après les faillites bancaires, la (bonne, mais controversée) gestion de la crise islandaise
Dès le 7 Octobre 2008, soit 3 semaines à peine après la chute de Lehman Brothers, l’Etat islandais nationalise ses 3 principales banques et instaure un strict contrôle des capitaux. Il évite ainsi un ‘bank run’ qui aurait précipité le pays dans le chaos.
Mais ce faisant, il s’attire les foudres des investisseurs étrangers qui ne peuvent retirer leurs avoirs. C’est particulièrement vrai de la part des Pays-Bas et surtout de l’Angleterre qui, par la voix de son Premier ministre Gordon Brown, qualifiera l’île nordique d’ ‘Etat voyou’, gelant, en guise de représailles, les avoirs islandais au Royaume-Uni.
Il s’en suit une négociation très dure entre les 2 principaux créanciers (britanniques et néerlandais) et Reykjavik, celui-ci acceptant de prendre à sa charge les 3,8 milliards d’euros de garantie de dépôts, en échange d’une levée du contrôle des capitaux.
Cette mesure est bien adoptée en Décembre 2009 par le parlement islandais…mais refusée par le peuple suite à un référendum affichant un écrasant consensus (93%).pour ne pas payer !
Un 2ème projet d’accord est alors négocié et soumis à nouveau à référendum en Avril 2011, mais il est également refusé à une courte majorité cette fois (59%). L’Islande ne paiera donc pas, obtenant par la suite l’aval de l’AELE, l’association européenne de libre-échange.
La sortie de la crise islandaise et le renouveau économique de l’île
Contrairement à ce qui allait se passer en Irlande ou à Chypre (en n’ayant pas à s’acquitter du remboursement des créances laissées par les banques), la population islandaise limite la casse sur ses conditions de vie et sur son modèle social. Elle doit néanmoins faire face à une austérité liée à la récession et aux effets pervers du contrôle des capitaux qui restera en vigueur jusqu’en 2015, faute d’accord avec les créanciers.
Néanmoins, 7 ans après son effondrement, l’île nordique devrait retrouver en 2015 son niveau de PIB d’avant-crise, soit de l’ordre de 4,5%, un des taux les plus dynamiques de l’Union Européenne.
Elle montre ainsi qu’il n’y a pas de fatalité et qu’un pays, sainement géré, peut se relever des errements bancaires du passé. Avec un taux de chômage de seulement 4% (il était monté à 9% en 2009 ), le modèle de résurrection économique islandais fait désormais figure de solution miracle (*) pour résoudre les nombreuses crises qui sont toujours actives en Europe ou ailleurs.
Note (*) : Relativisons tout de même : cette solution miracle s’appuie sur un pays bénéficiant d’atouts majeurs, comme une forte autonomie dans le domaine énergétique et une richesse par habitant parmi les plus élevées de la planète.
Attention cependant, les crises européennes qui couvent encore à petit feu (Grèce, Italie,..) sont liées principalement à une dette souveraine excessive, ce qui n’était pas le cas de l’Islande en 2008. A ce propos, à la sortie de la crise, l’île nordique affichait une dette publique ’raisonnable’ à hauteur de 82% du PIB (données 2014) et tablerait sur un objectif de 54% à l’horizon 2020.
Même si nous ne sommes pas encore en 2020 (et si le désamour du peuple islandais pour sa classe politique ne vient pas tout chambouler d’ici là), voilà de quoi prétendre à nouveau à un titre de 1er de la classe !