Décryptage des mécanismes qui ont conduit à la faillite de Lehman Brothers
Alors que la crise des subprimes battait son plein, la banqueroute de Lehman Brothers a littéralement surpris tous les observateurs. Le 15 Septembre 2008 restera une date mémorable dans l’histoire de la finance mondiale, le jour ou Henry Paulson, alors secrétaire du Trésor, a voulu faire un exemple en ne venant pas au secours de la 4ème banque d’affaire américaine, mettant ainsi fin à l’adage qui circulait alors : « Too big to fail ! ». Nous allons passer en revue le contexte économique de l’époque des subprimes et essayer de comprendre pourquoi cette faillite de Lehman était inéluctable.
Rappelez-vous le début des années 2000, après l’éclatement de la bulle des dot.com : l’Amérique n’arrivait pas relancer son économie et la FED avait été contrainte de diminuer ses taux directeurs pour faciliter l’accès au crédit. En l’espace de 3 ans (2001-2004), ceux-ci aller littéralement dégringoler de 6,5% à seulement 1% , permettant ainsi à une multitude d’emprunteurs, souvent non solvables, d’accéder au rêve américain: devenir enfin propriétaire de leur appartement ou villa !
Mais contrairement à la sagesse financière qui prévalait sur le vieux continent (taux fixe pour la grande majorité des acquéreurs), les banques US avaient mis en place un système de financement plus risqué avec des taux variables dans le temps et indexés sur certains indices.
Avec Goldman Sachs, la banque d’affaire Lehman Brothers est une des pionnières dans la création de ces « subprimes » exotiques, répertoriés dans la catégorie : Alt-A et accordés sans procéder à un examen détaillé des capacités financières des acquéreurs.
En 3 ans (2004-2006), Lehman Brothers profite du plein boom de l’immobilier US et se lance dans des acquisitions de sociétés de prêts hypothécaires, un grand nombre de ces prêts incluant les fameux Alt-A à risque. Sa capitalisation boursière atteindra 60 milliards de dollars en Février 2007, juste avant que n’apparaisse un retournement de situation dévastateur.
En effet, bien qu’acceptables les premières années, les mensualités de remboursement de ces Alt-A allaient vite devenir insupportables pour les ménages américains. S’ajouta à cela l’impossibilité pour ces ménages de renégocier un nouveau emprunt auprès de leur banque, car, entretemps, la FED avait remonté ses taux directeurs qui atteindront 5,25% en 2007.
Etranglés par des mensualités de remboursement intenables, les nouveaux propriétaires se voient alors contraints de mettre en vente leurs biens, ce qui contribua à faire chuter les prix de l’immobilier. Les hypothèques prisent par les banques ne permettent plus de couvrir les impayés des emprunteurs, fragilisant leur compte d’exploitation.
Au premier semestre 2007, la crise des subprimes est déjà sur la place publique et commence à inquiéter les investisseurs qui détiennent ces emprunts Alt-A, rapidement requalifiés en emprunts ‘toxiques’.
Le 14 Mars 2007, malgré une rentabilité en berne, le directeur financier de Lehman publie des résultats flatteurs, en complet décalage avec la perception des analystes.
Le 17 Mars le titre dévisse de 48% en bourse, suite à la quasi-faillite de Bear Stearns, une banque d’affaire au portefeuille très similaire à celui détenu par Lehman.
Pour sauver les meubles, la banque procède alors à des augmentations de capital (4 milliards de dollars en Avril, puis 6 milliards en Juin) et commence, mais bien trop tard, à réduire son exposition au marché des hypothèques.
Durant l’été 2008, le PDG de Lehman Brothers Richard Fuld, décide d’ouvrir le capital de la banque à des partenaires stratégiques, mais les négociations échouent. Le titre perd 42% le 11 Septembre 2008.
A cours de liquidités, la banque négocie alors un ultime rachat avec Barclays et Bank of America. Mais peine perdue, l’état américain ne donnant pas sa garantie, les négociations échouent.
Il ne reste plus qu’à implorer un sauvetage par la FED. Mais l’intransigeance de Henry Paulson, ministre des finances de l’époque est totale. Pour le tout puissant ministre, en refusant de sauver Lehman Brothers de la faillite, il s’agit d’envoyer un signal fort aux banquiers :
« le contribuable US ne peut pas couvrir toutes les erreurs spéculatives de ses banques ! »
Le Lundi 15 septembre au matin, la messe est dite : la plus grosse faillite jamais connue par Wall Street vient d’avoir lieu, une banqueroute laissant sur le tapis 639 milliards de dollars d’actifs et un passif de 613 milliards de dollars.
Du jamais vu ! L’ardoise d’une telle faillite représente environ 6 fois le montant de celle de Worlcom, placé en liquidation judiciaire lors de l’éclatement de la bulle Internet de 2002.
La chute de Lehman Brothers entraine la dégringolade du marché actions aux USA, puis quelques semaines plus tard, par effet domino, toutes les bourses mondiales. Le château de cartes qui s’écroule, le fameux « risque systémique » tant appréhendé par les analystes, venait de se dérouler sous nos yeux …pour de vrai !
La suite, vous la connaissez :
« Plan Paulson de 700 milliards de dollars de rachat d’actifs à risque, coordination des principales banques centrales mondiales pour baisser de ½ point leurs taux directeurs, plans multiples d’assouplissement quantitatif (QE1, QE2, QE3) pour faciliter l’accès au crédit, stress tests pour s’assurer que les banques respectent les ratio de solvabilité définis par les organisme de contrôle des banques centrales,… »
Bref, toute une série de mesures dont les effets sont toujours palpables plus de 7 ans après le tsunami provoqué par la chute de Lehman, le plus notable de ces effets et le plus inquiétant étant l’augmentation sans précédent de la dette mondiale.
Rétrospectivement, peut-on dire que Henry Paulson a fait une erreur en ne venant pas au secours de Lehman Brothers ?
Après tout, le secrétaire d’état au Trésor a bien apporté la caution de la Fed pour sauver de nombreuses autres institutions comme Bear Sterns, Fannie Mae, Freddie Mac, AIG ou encore Citigroup, pour ne citer que les principales rescapées. Pourquoi alors faire une exception et ne pas renflouer Lehman ?
Interrogées sur le sujet, les autorités de tutelle américaines ont considérées que Lehman Brothers avait disposé de suffisamment de temps pour trouver des solutions de restructuration (la Fed ayant assuré les apports de liquidité court terme adéquats) et que le marché avait pris acte des conséquences de cette absence de solutions.
Manifestement ils se sont trompés et …le marché n’a pas du tout, mais alors pas du tout apprécié le lâchage de Lehman !
Notre compréhension de cette faillite: la finance étant devenue complétement incontrôlable, Henry Paulson n’avait pas d’autre choix que d’envoyer un signal fort aux marchés. S’il avait renfloué Lehman Brothers en 2008, les grandes banques auraient continué de faire un chantage sans relâche au dépôt de bilan, tout en continuant à spéculer de façon irrationnelle. De plus, il fallait tuer définitivement ce slogan ‘Too big to fail !’ qui protégeait quelque part les grandes institutions financières.
En déclarant en faillite la 4ème plus grande banque d’affaire des USA, Paulson faisait d’une pierre 2 coups:
- Non, l’état US n’est pas prêt à renflouer les casseroles de toutes les banques
- Oui, une grande banque n’est pas intouchable : la preuve avec la faillite de Lehman !
Conclusion : Avec la saga Lehman Brothers, vous savez maintenant qu’une très grosse banque peut faire faillite et vous avez compris que tout le système financier mondial peut s’écrouler par le défaut de sauvetage étatique d’une seule banque, …bref que nous vivons dans un monde qui ne tient qu’à un fil. En achetant de l’or physique (nous recommandons 10% de vos économies), vous ne changerez rien à ce fragile équilibre planétaire, mais vous assurerez un minimum de sécurité à votre famille et à vos proches.