Comprendre les 3 chocs pétroliers de 1973, 1979 et 2008
De 1973 à 2008, pas moins de 3 chocs pétroliers ont déstabilisé l’économie mondiale, créant à chaque fois : récession, chômage et désespérance. Que ce soit pour des raisons géopolitiques ou pour des besoins de pure spéculation boursière, le cours de l’or noir a été manipulé par les grandes puissances de ce monde (pays producteurs comme pays consommateurs). Et même si une relative sagesse du cours du brut semble perdurer pour l’instant, nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle hausse du baril, surtout si l’on se réfère à la situation politico-militaire au Moyen-Orient ou dans les pays du Golfe.
Le premier choc pétrolier de 1973 est lié à l’abandon des accords de Bretton Woods, au frein de la production US et à la guerre du Kippour.
Si vous ouvrez vos manuels scolaires, vous constaterez que pour expliquer le premier choc pétrolier de 1973, les historiens ne citent généralement que l’embargo de l’OPEP en représailles à l’aide américaine à Israël lors de la guerre du Kippour.
Ils oublient bien souvent de préciser que, si cet embargo de l’or noir est bien une des causes racines de ce choc, elle n’est pas la seule et a été précédée par 2 autres évènements tout aussi déterminants dans la genèse de cette crise: l’abandon de accords de Bretton Woods et la décision américaine de freiner la production domestique d’hydrocarbures.
Pour qu’il y ait un choc pétrolier, il faut créer un déséquilibre entre l’offre et la demande. Or ce déséquilibre a commencé dans les années 1970 avec la dépréciation du dollar, la monnaie de payement pour la majorité des producteurs de pétrole de la planète (principalement du golfe) qui ont vu leurs rémunérations s’amenuiser avec la chute du billet vert.
Et pourquoi cette chute du dollar ? Pour lutter contre le déficit extérieur américain qui était devenu abyssal dans les années 1960, l’administration Nixon décide, en 1971, de mettre fin aux accords de Bretton Woods qui assuraient une convertibilité de la monnaie américaine avec le métal jaune. Ce système d’étalon change-or, qui avait assuré la stabilité monétaire d’après-guerre, s’effondrait tout à coup, pour donner place à un système de change flottants beaucoup plus erratique. Les monnaies étant désormais libres de flotter les unes par rapport aux autres, le dollar s’est mis subitement à plonger, altérant les revenus des monarchies pétrolières.
Or, coïncidence du calendrier, cette même année 1971, l’administration américaine annonce avoir atteint son pic de production pétrolière domestique. Un situation d’autant plus surprenante, alors que la première puissance mondiale disposait (et dispose toujours) de ressources pétrolières gigantesques sur son propre sol.
Avant même que ne se déclenche la guerre du Kippour, nous étions donc dans une situation très tendue entre l’offre et la demande en hydrocarbures.
En représailles à l’offensive israélienne contre l’Egypte et la Syrie, l’OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole) décide de quadrupler le prix du baril de pétrole entre octobre 1973 et juin 1974, un prix qui passe de 3$ à 12$. Et pire que cela, des monarchies pétrolières comme l’Arabie Saoudite, imposent même un embargo total à l’encontre de certains pays, comme les Etats-Unis par exemple.
C’est le premier choc pétrolier de l’histoire, aux conséquences très lourdes sur l’économie mondiale: augmentation des couts de fabrication de nombreux produits manufacturés, hausse de l’inflation, recul de la production industrielle, explosion du chômage.
Les pays consommateurs s’organisent pour gérer la pénurie de l’or noir : limitation des volumes servis aux pompes à essence, vaste campagne pour réduite le gaspillage, isolement des logements, incitations fiscales pour l’usage d’énergies renouvelables…
Certains pays détenteurs de la technologie nucléaire (principalement la France et le Japon) se lancent alors dans des programmes massifs de constructions de centrales.
Suite à ces mesures drastiques, la demande mondiale est freinée et le prix du baril se stabilise autour de 12$, avant qu’une nouvelle hausse de la demande commence à prendre le relais à partir de 1977.
La révolution islamique de 1979 est à l’origine du 2ème choc pétrolier planétaire.
En Janvier 1979, lorsque le Shah quitte son pays, chassé par la révolution islamique, l’Iran est un important producteur de pétrole. Or le régime de Khomeiny est un ennemi juré des occidentaux en général et des Etats-Unis en particulier. A cette époque, la demande de pétrole est déjà supérieure à l’offre disponible, et la réduction de la production iranienne va immédiatement déclencher une nouvelle envolée du prix de l’or noir.
C’est le second choc pétrolier qui vient quasiment tripler le prix du brut, portant celui-ci à 34$ le baril.
En Septembre 1980 la guerre Iran-Irak débute et à pour conséquences l’arrêt des exportations iraniennes, ce qui provoque de nouvelles hausses de prix.
Mais les pays consommateurs sont mieux préparés que lors du 1er choc pétrolier et arrivent à maitriser l’envolée de la demande, ce qui a pour but de faire redescendre le prix du baril à partir du printemps 1981.
Une certaine stabilité, toute relative, s’installe alors entre pays producteurs et pays consommateurs, avant que ne pointe à l’horizon un nouveau choc, celui de 2008
Le troisième choc pétrolier, celui de 2008, est lié à la spéculation débridée qui a précédé la crise des subprimes
Après l’éclatement de la bulle des dot.com des années 2000 et pour éviter une récession généralisée, les grandes puissances occidentales (les États-Unis en tête) se lancent dans un vaste programme de relance, incluant un volet immobilier particulièrement ambitieux. C’est l’époque de tous les abus, de toutes les spéculations sur les actifs boursiers comme sur les matières premières.
L’or noir n’échappe pas à la règle et le cours du baril va ainsi grimper allègrement jusqu’à 147 dollars avant que n’éclate la crise des subprimes avec la faillite emblématique de la banque d’affaire Lehman Brothers.
Ce 3ème choc pétrolier sera ainsi de courte durée, puisque le prix du baril allait s’effondrer à 40 dollars début 2009 avant de rebondir à nouveau.
Ces 3 chocs pétroliers (1973, 1979, 2008) montrent l’impact de la spéculation et des tensions géopolitiques sur une ressource rare (l’or noir) devenue indispensable à la bonne santé de l’économie mondiale. Passer de 3$ le prix du baril (avant le 1er choc pétrolier de 1973) à un plus haut de 147$ (lors du pic de 2008) est complètement ubuesque et démontre l’absence totale de corrélation entre le coût de production et le prix de vente négocié sur les marchés.
Si nous sommes revenus à des prix raisonnables (autour de 40$ le baril fin 2015), nous ne sommes pas à l’abri de nouveaux chocs pétroliers. La situation politico-militaire au Moyen-Orient et dans le Golfe est là pour nous rappeler chaque jour que tout peut à nouveau basculer dans le chaos des prix irrationnels de l’or noir.