Banques italiennes, sauvées jusqu’à quand ?
1er Aout 2016
Rappelez-vous la crise économique de 2008 venue des USA (avec le scandale des subprimes et la chute de Lehman Brothers) et ses répercussions sur l’économie européenne ! Pour éviter un effondrement du système bancaire et écarter le risque systémique, les Etats avaient dû recapitaliser les banques en y injectant des milliards d’euros d’argent public, faisant ainsi grimper à des sommets inimaginables le montant des dettes souveraines. La récession qui s’en est suivi a été combattue par des politiques d’assouplissements quantitatifs (QE) d’abord aux USA, puis en Angleterre et plus tardivement en Europe avec le plan de Mario Draghi.
Ces politiques accommodantes ont permis aux USA de sortir tant bien que mal de la crise, mais au prix de 3 plans draconiens (QE1, QE2, QE3)!
Côté Europe, le plan d’assouplissement de Super Mario a permis aux principaux états européens d’afficher un semblant de croissance, sauf pour l’Italie, qui est le seul pays à ne pas avoir retrouvé son niveau de production d’avant 2008.
Fin 2015, cette absence de redémarrage économique transalpin avait eu pour conséquence de fragiliser 4 banques italiennes, les mettant en situation de dépôt de bilan. Le président du Conseil, Mateo Renzi était alors venu à la rescousse en injectant 3,6 milliards d’euros d’argent public, faisant fi de la nouvelle directive européenne dite BRRD (qui n’est applicable, il est vrai, que depuis le 1/1/2016), une directive qui impose de recourir désormais aux actionnaires plutôt qu’à la puissance publique pour renflouer toute banque sur le point de faire faillite.
Si le système bancaire italien a ainsi pu respirer tout au long du premier semestre 2016, un élément nouveau est intervenu fin Juin, déstabilisant un nouvelle fois le fragile édifice: le fameux Brexit !
Or, après la Grèce, l’Italie reste l’autre maillon faible de l’Europe, malgré les réformes entreprises par l’ex maire de Florence. En effet, notre voisine transalpine a accumulé un total de 360 milliards d’euros de prêts ‘pourris’, soit un montant qui avoisinent le ¼ de son PIB, un record en Europe, après Athènes.
Le souffle déstabilisateur du « Leave » britannique s’est propagé jusqu’à Rome qui cherche par tous les moyens à rassurer les investisseurs, inquiets de voir l’Italie prendre la suite de la déroute grecque. Le Brexit aurait contribué à l’effondrement des valorisations bancaires italiennes, parfois jusqu’à 70/%
Pour tenter d’enrailler la chute, le président du conseil italien n’a cessé de plaider sa cause à Bruxelles. Il est arrivé jusqu’à présent à limiter la casse en obtenant une dérogation par rapport à la fameuse directive BRRD, cité précédemment.
A titre exceptionnel (!), le renflouement des banques fragiles se ferait par « bail out », c’est-à-dire en ayant recours à l’argent public. Soit la même décision que celle prise fin 2015 pour sauver les 4 banques régionales en déroute!
Il est vrai que Matteo Renzi est à 2 mois d’une échéance cruciale qu’il a lui-même sollicité : un référendum sur la réforme constitutionnelle italienne.
Bruxelles pouvait difficilement prendre le risque de créer une crise majeure en Italie en refusant cette « dérogation ». Pour rappel, si le « bail in » avait été imposé par Bruxelles comme stipulé dans les directives de la BRRD, cela aurait été aux actionnaires des banques italiennes (et in fine aux clients des banques) de renflouer les établissements en perdition. Inimaginable avant la tenue d’un tel référendum !
Cette « dérogation » bruxelloise est tombée juste avant que ne soit divulgués les résultats de la 3ème campagne de stress tests (*) commandités par l’ABE, l’Autorité Bancaire Européenne.
Note (*) : Pour rappel, ces « stress tests », parfois controversés, ont été mis en place pour éviter le renouvellement d’un scénario catastrophe, comme celui que le monde de la finance a connu en 2008, après l’effondrement de Lehman Brothers. Ceux du Vendredi 29 Juillet concernait 51 banques européennes incluant un panel de banques italiennes.
Et comme il fallait s’y attendre, c’est une banque italienne qui remporte le pompon ! Monte dei Paschi di Siena, la plus vieille banque du monde (elle a vu le jour en 1472 !), ne tiendrait pas le choc en cas de turbulences même modestes : son ratio de fonds propres durs affichait une valeur négative à hauteur de 2,44%. Une situation catastrophique qui était déjà connue des investisseurs, puisqu’à la veille de la publication des résultats de ces Stress Test, cet établissement historique, proche du Parti démocrate de Matteo Renzi, avait perdu 77% de sa capitalisation boursière.
A cela s’ajoute UniCredit, la 1ère banque italienne, qui devra également renforcer son capital.
Mais si la mauvaise performance des banques italiennes étaient anticipées, plus surprenant a été de trouver dans les 12 banques les plus fragiles 2 banques allemandes : Deutsche Bank et Commerzbank, la banque anglaise Barclays ou encore l’autrichienne Raiffeisen.
Au-delà de la situation particulière du secteur italien, c’est donc toute l’Europe bancaire qui souffre d’un niveau de fonds propres insuffisants (à l’exception de la France qui a réussi ses tests !). L’ABE a chiffré à 350 milliards le montant des fonds propres à collecter pour revenir à une situation acceptable. Le tout est de savoir où trouver une telle somme ?
Et sans reprise de la croissance, pas de salut possible ! Pour le secteur bancaire italien, le FMI ne voit pas d’amélioration avant une dizaine d’années, soit un horizon de sortie de crise … à la japonaise ! Le sauvetage que Bruxelles vient d’autoriser, via ce « bail-out » est donc très, très loin de porter ses fruits !