Mission et utilité de la Banque Centrale Européenne (BCE)

La BCE est à l’Euro ce que la Banque de France était au Franc (ou la Bundesbank au Deutsch Mark), son institution financière principale. La Banque Centrale Européenne (ECB en anglais) a vu le jour le 1er Juin 1998, peu de temps avant l’instauration de l’Euro auprès des 19 pays membres de l’UE qui ont décidés, à partir de 1999 et jusqu’à ce jour, de faire monnaie et destin communs.

Beaucoup plus récente que sa consœur américaine (la FED qui gère le Dollar depuis 1913) , la BCE est en train de prendre de plus en plus de place dans la vie économique des européens et ses décisions sont souvent controversées ou tout au moins sujettes à débats. Nous allons passer en revue ses missions principales et son organisation. Nous verrons ensuite à quoi sert réellement la BCE et quels sont les principales critiques à l’encontre de la politique monétaire qu’elle mène.

La SkyTower, le siége dela BCE à Francfort-sur-le-Main

Le siège de la BCE à Francfort

Pourquoi a-t-on besoin d’une Banque Centrale Européenne ?

Le besoin d’une banque centrale pour gérer les intérêts de pays qui ont décidé de faire monnaie commune ne se discute pas. En créant l’IME, l’Institut Monétaire Européen (aujourd’hui remplacé par la BCE), le traité de Maastricht avait déjà jeté les bases d’une politique monétaire commune entre des états européens qui battaient alors chacun leurs monnaies : Franc, Mark,..

Mais à partir du moment où ces pays ont été d’accord pour abandonner leurs prérogatives nationales au profit de l’Euro, il était devenu indispensable de créer une structure financière indépendante, garante du bon fonctionnement de la monnaie commune.

Cette banque centrale a été créée 1er Juin 1998 sur le modèle de la Bundesbank et a été installée à Francfort-sur-le-Main dans l’Eurotower, avant de prendre ses quartiers définitifs en 2014 dans une sublime tour de verre: la Skytower. Entre temps ses effectifs sont passés de quelques 500 employés en 1998 à presque 3000 employés en 2016.

Cet accroissement d’effectif est lié aux tâches toujours plus importantes confiées à la banque centrale :

  • gestion de l’émission de billets pour la zone Euro qui est passée de 11 membres en 1999 (les pays fondateurs) à 19 membres au 1er Janvier 2015, avec l’arrivée de la Lituanie,
  • pilotage de l’Eurosystéme regroupant les banques centrales nationales des Etats membres, toujours plus nombreuses,
  • prise en compte, en 2009, des prérogatives actées par le traité de Lisbonne avec entre autre, l’attribution d’une personnalité juridique.
  • à partir de Novembre 2014, contrôle des principales banques de la zone Euro, avec la mise en place du MSU (Mécanisme de Surveillance Unique).

Bref, si le besoin d’une banque centrale n’est plus à démontrer et ne fait pas débat, c’est bien sur les missions assignées à celle-ci qu’il y a des questions qui se posent. Mais avant de parler des missions de la BCE voyons comment elle est organisée.

Comment est organisée la BCE (les 4 entités de pilotage)?

Pas moins de 4 entités contribuent au bon fonctionnement de la BCE : le groupe des actionnaires, le directoire, le conseil des gouverneurs et le conseil général.

Commençons par le groupe des actionnaires qui ne sont ni plus ni moins que les 29 banques nationales des pays faisant partie de l’Union européenne. Le capital de la BCE (de l’ordre de 10 milliards d’euros) a été réparti entre les pays membres de l’union selon une clé de répartition liée au PIB et à la population des pays concernés. C’est ainsi que la Banque de France détient par exemple :14,22% du capital de la BCE (à comparer aux 18,94% de la Banque fédérale d’Allemagne, le plus gros actionnaire).

En ce qui concerne les réserves de change (de l’ordre de 40 milliards d’euros), elles ont été constitué par les 19 pays ayant adhéré à la monnaie unique. Seulement 15% de ces réserves sont sous forme d’or, le gros du contingent (85%) étant constitué de monnaies fiduciaires : Dollars US et Yen.

Le Directoire de la BCE est constitué de 6 membres : le président (*), le vice-président et 4 autres membres, tous reconnus par leur expertise dans le domaine économique. Tous les membres du Directoire sont nommés par consensus entre les Chefs d’Etats de la Zone Euro, après recommandations du Conseil de l’UE et après consultation du Parlement européen et du Conseil des Gouverneurs de la BCE. La durée de leur mandat est de 8 ans non renouvelable, y compris pour le Président. Aux USA les membres du Board de la FED sont nommés pour une durée de 14 ans, mais le président ne bénéficie que d’un mandat de 4 ans, renouvelable il est vrai.

Note (*) : La BCE étant relativement récente (1998), il n’y a eu jusqu’à ce jour que 3 présidents : Wim Duisenberg (1998-2003), Jean-Claude Trichet (2003-2011) et l’actuel Mario Draghi, entré en fonction le 1er Novembre 2011.

Le Conseil des Gouverneurs inclue les 6 membres du Directoire et les 19 gouverneurs des banques centrales nationales de la zone euro. C’est ce Conseil des Gouverneurs qui a la lourde tâche de définir la politique monétaire de la zone Euro (incluant la fixation des fameux taux directeurs ou la mise en place du controversé plan d’assouplissement quantitatif).

Quant à la 4ème et dernière entité de la BCE, elle a pour nom : Conseil général et inclus les membres du Conseils des Gouverneurs auxquels se joignent les gouverneurs des banques centrales des pays de l’UE qui n’ont pas encore adopté l’Euro.

Quelles sont les principales missions dévolues à la BCE et en quoi prêtent-elles à discussion ?

Tout le débat porte sur la politique monétaire que doit mener cette banque centrale. Si l’on se réfère à ses statuts, l’objectif principal de la BCE (Article 2) est de maintenir la stabilité des prix.

Jusque-là rien de bien méchant me direz-vous : personne n’a envie de revoir l’inflation à 2 chiffres que nous avons connu lors du 1er choc pétrolier de 1973.

Oui, mais voilà, il est précisé dans ses statuts que les autres missions de la BCE, en particulier l’emploi et la croissance, sont soumises à cet impératif de stabilité (*) des prix.

Note (*) : Contrairement à ce que l’on pourrait penser, stabiliser les prix ne veut pas dire faire tendre l’inflation vers le zéro absolu. D’après les banques centrales (BCE comme FED), une hausse modérée des prix (autour de 2%) serait bénéfique à l’économie : possibilité d’augmenter les salaires (ce qui est bon pour le moral !) ; réduction automatique de la dette (tout en douceur et presque sans s’en rendre compte !) ; relance de l’économie (puisqu’il vaut mieux acheter vite, avant que cela n’augmente !)

Inflation first’ : ce dogme de la politique monétaire conduite jusqu’à ce jour par la BCE vient des monétaristes, un courant de pensée qui considère que l’augmentation des prix est liée à la quantité de monnaie créée. Ainsi, pour éviter qu’un gouvernement en fin de mandat ne soit tenté (une simple supposition !) de recourir à la planche à billets pour se faire réélire, les monétaristes ont obtenu que la banque centrale européenne soit indépendante des pouvoirs politiques. Sur le papier, rien à dire, là non plus !

Oui, mais … c’est pourtant cette indépendance de la BCE qui fait débat aujourd’hui dans toute l’Europe : voilà en effet une institution qui fait la pluie et le beau temps sur nos économies (politique d’austérité, réduction des dépenses publiques,..) et qui n’est soumise à aucun pouvoir des citoyens !

Mais il y a pire ! Cette institution, à l’image de ce qu’a fait dans le passé la BoJ ou la FED, vient de se lancer (Mars 2015) dans un vaste plan de rachat d’actifs , un QE à l’européenne pour le moins controversé, et tout cela, non pas pour réduire l’inflation,…mais au contraire, pour essayer de la faire repartir par tous les moyens !

S’il est fort probable (voir la Note ci-dessus) qu’un certain niveau d’inflation (~2%) soit effectivement souhaitable pour l’économie, il est pour le moins surprenant (aberrent même dans nos démocraties !) que la décision de se lancer dans une telle politique d’assouplissement quantitatif n’ait pas fait l’objet d’un seul débat parlementaire dans les pays qui ont adhéré à l’Euro. En effet les dommages collatéraux de ces QEs sont considérables, en particulier sur l’augmentation de la dette publique, et ils font peser un lourd fardeau sur les générations futures.

Souhaitons que sur la pression des mouvements citoyens qui se développent ici ou là, les états membres de l’UE arrivent à réformer cette BCE pour qu’elle serve en priorité à améliorer les conditions de vie des citoyens de la zone Euro et que ses missions ne soient plus cantonnées à la seule maitrise comptable du taux d’inflation !