La crise de la dette grecque, expliquée étapes par étapes

La crise économique mondiale de 2008 (elle-même issue de la crise des subprimes) touche en priorité les pays les plus endettés de la planète. Rentrée au chausse-pied et avec quelques tours de passe-passe (notamment de la part de Goldman Sachs) dans la zone euro en date du 1er Janvier 2001, la Grèce n’a jamais tenu les engagements de convergence exigés par l’UE et se retrouve en première ligne des pays adhérents à l’Euro exposés à un défaut de paiement.

Si tous les observateurs s’accordent pour fixer à 2008 le début de la crise de la dette souveraine grecque, nul ne sait à quelle date ce douloureux épisode se terminera, ni même s’il se terminera un jour !

Un seul chiffre révélateur du malaise: le ratio Dette/PIB a atteint 175% …malgré des engagements pris en 2012 de ne pas dépasser 153% en 2015. Tout cela est à mettre en perspective des critères de convergence imposés à la Grèce lors de son entrée dans l’Euro : la dette helvète ne devait pas dépasser 60% du PIB!

Pour essayer de comprendre les mécanismes qui ont conduit à cette débâcle financière, le mieux est de tracer le fil conducteur chronologique des principaux évènements.

1er janvier 1981 : La Grèce devient le 10ème pays à rejoindre la CEE

La CEE procède à son 2ème élargissement en intégrant la Grèce qui devient ainsi le 10ème membre ce cette communauté. En accueillant la Grèce, l’objectif des 9 état membres de la CEE était à l’époque de se doter de moyens militaro-industriels dans le sud de l’Europe, permettant de répondre aux menaces venant de l’Est (révolution iranienne, invasion de l’Afghanistan par l’URSS en 1979,..) tout en faisant contrepoids à l’influence grandissante des États-Unis dans la région.

C’est de cette période que date la dextérité helvétique à obtenir des fonds structurels européens pour financer ces infrastructures militaro-industrielles, disproportionnées par rapport aux besoins réels de défense du pays et de l’Union Européenne. Consacrant 4% de son PIB au budget de la défense, se nourrissant de l’argent facile de la CEE, la Grèce devient ainsi l’un des plus gros importateurs d’armes au monde.

1er janvier 1999 : Création de l’Euro avec 11 pays participants (incluant la France)

Onze pays européens décident d’abandonner leurs monnaies nationales et adoptent l’euro comme monnaie commune. Parmi ces pays on trouve la France et 10 de ses voisins de l’UE : Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal et Allemagne

1er janvier 2001 : La Grèce devient le 12ème pays à rejoindre l’Euro

Abandonnant son drachme (GRD) au 1er Janvier 2001, la Grèce devient le 12ème pays à adopter l’Euro comme monnaie commune. Souhaitant faire contrepoids à la toute puissante Allemagne, ce sont les pays du Sud (auxquels se joint la France de Jacques Chirac) qui emportent la décision d’inclure la Grèce dans l’Euro. Et tant pis si les critères de convergence (Déficits publics<=3% et Dette publique <=60% du PIB) ne sont pas respectés, et cela dès l’adhésion prononcée !

2001- 2007 : La phase euphorique avec des dépenses à tout va !

La rentrée dans l’Euro s’accompagne d’un déferlement de milliards de fonds européens. L’économie helvète figure parmi les plus dynamiques de la zone, affichant un taux de croissance de 4.2%. Cette croissance est financée par l’apport de capitaux étrangers et par un recours de plus en plus conséquent à l’emprunt. Peu soucieux de reformer le pays, les gouvernements au pouvoir augmentent le nombre de fonctionnaires. Les dépenses militaires continuent à grimper comme à l’époque des colonels (avions américains, frégates et hélicoptères français, sous-marins allemands,…).

Été 2004 : Les Jeux olympiques d’Athènes font exploser la dette grecque et de déficit budgétaire

Pour tout un tas de bonnes ou mauvaises raisons (projet surdimensionné par rapport aux besoins, augmentation des infrastructures liées à la sécurité suite aux attentats du 11 septembre 2001, corruption de hauts fonctionnaires,..), les coût liés à l’organisation des jeux olympiques d’été explosent et obligent l’état grec à augmenter ses emprunts. Par ailleurs, le déficit budgétaire (qui était de 3.7% du PIB) passe à 7.5% l’année des jeux olympiques. Pour rappel, en signant les critères de convergence de rentrée dans l’Euro, la Grèce s’était engagée à ne pas dépasser 3% de déficits publics !!!

2008 : La crise mondiale affecte les capacités de remboursement de la dette grecque

Faisant suite au tristement célèbre épisode des subprimes des USA, la crise économique mondiale de 2008 qui s’en suit va avoir des effets dévastateurs sur les pays les plus endettés de la planète, et en premier lieu … la Grèce.

Le scandale des prêt hypothécaires à risques et autres emprunts toxiques ayant conduit à la faillite de Lehman Brothers a laissé des traces : il va générer une vague de méfiance planétaire sans précédent sur le système bancaire et des audits à répétitions vont se succéder : c’est à ce moment que seront imposés les premiers stess test des banques.

Les conditions de rentrée de la Grèce dans l’Euro sont réexaminés, le manque de transparence des banques d’investissement (Goldman Sachs en particulier) est pointé du doigt, …bref, les investisseurs qui s’étaient rués sur l’eldorado helvète au début des années 2000, commencent à poser des questions et à retirer leurs billes ! Les 2 moteurs de la croissance (tourisme et transport maritime) sont en chute libre.

A ce marasme économique, s’ajoute l’opacité de la politique grecque, particulièrement flagrante lors des changements de majorité. Nouvellement élu en Octobre 2009, le nouveau premier ministre Georges Papandréou déclare que le déficit budgétaire grec n’est pas 6% pour 2009 (comme annoncé par son prédécesseur de droite), mais de 12.7%. Une erreur de plus du double !!! Un déficit quatre fois plus élevé que les critères de convergence de la zone Euro (3%) !

Manifestations à Athènes pour protester contre les conséquences de la crise de la dette grecque

Crise de la dette grecque : Manifestations à Athènes contre les réformes liées au plan d’aide

2010 : Premier plan d’aide européen à la Grèce (110 milliards d’euros).

Au début des années 2010, la Grèce n’est pas la seule à voir sa dette exploser. Tous les pays de l’Euro sont touchés, à des degrés plus ou moins sérieux : l’Irlande, le Portugal, l’Espagne,..

Pour éviter un effet boule de neige, l’Union Européenne et le FMI décident d’aider le plus petit pays de la zone euro et injectent 110 milliards d’euros dans l’économe helvète.

Le plan consiste à faire racheter par la BCE des titres de la dette grecque pour éviter que ces titres ne s’effondrent sur le second marché. Le risque de faillite de la Grèce est ainsi collectivisé entre tous les pays de la zone euro, ce qui a pour effet de repousser le spectre (toujours latent) d’une panique éventuelle sur les marchés financiers.

Mais ce plan n’est pas un blanc-seing: il est entaché de contreparties incluant des réformes structurelles et des restrictions importantes pour les populations (Hausse de la TVA à 23%, augmentation de la durée des cotisations retraites, suppression des 13ème et 14ème mois chez les fonctionnaires,..). Ce premier plan, ainsi que les suivants, sera très difficilement accepté par le peuple grec qui manifestera à plusieurs reprises.

2011 : Second plan d’aide européen à la Grèce (130 milliards d’euros de prêts et 107 milliards d’annulation de créances privées).

Malgré ses efforts, la Grèce n’arrive pas à endiguer la fraude fiscale et à surmonter l’austérité engendrée par les contreparties du 1er plan d’aide. A peine un an plus tard, un 2ème plan est envisagé, la Grèce ne pouvant plus avoir accès au marché pour se financer (les agences de notation lui ayant accordée la plus mauvaise note de la planète !).

Un débat a alors lieu entre les pays du Nord qui souhaitent un rééchelonnement de la dette et les pays du Sud qui proposent un nouveau prêt européen. Finalement un compromis Merkel/Sarkozy calmera les marchés en proposant de renouveler seulement 70% de la dette souveraine grecque venant à échéance. Le 2ème plan d’aide est signé le 27 Octobre 2011 : cela sera 130 milliards d’euros de prêts supplémentaires et un ‘haircut’ : une annulation de 107 milliards de créances privées.

2015 : Troisième plan d’aide européen à la Grèce (86 milliards de prêts sur 3 ans)

Jamais 2 sans 3 : l’arrivée de SYRIZA au pouvoir va sérieusement compliquer le 3ème plan d’aide à la Grèce, car le gouvernement d’Aléxis Tsípras a été élu sur un programme hostile aux réformes. Une sortie de le zone Euro (Grexit) est même envisagée. Le référendum du 5 Juillet 2015 donne une nette victoire aux opposants à ce nouveau plan de sauvetage européen.

Mais malgré la victoire du ‘NON’ à plus de 61%, le parlement grec, après de nombreux débats très passionnés, entérinera finalement ce 3ème opus de l’aide européenne : cela sera cette fois 86 milliards de prêts sur 3 ans, la Grèce devant poursuivre un certain nombre de réformes, dont je vous passe les détails !

A quand le 4ème plan d’aide pour la Grèce ?

Ou plus exactement, à quand le nième plan d’aide ? Car le processus de sauvetage est maintenant découpé en tranches. Les déblocages des fonds des créanciers (FMI, BCE, Etats de la zone euro) se font tranches par tranches, le déblocage d’une tranche étant conditionné par la mise en place de réformes, toujours plus contraignantes pour le peuple grec.

La crise de la dette helvète préfigure les difficultés que d’autres pays pourraient rencontrer s’il n’est pas mis fin rapidement à la fuite en avant de la finance mondiale. A coup de plans de relance (Assouplissement Quantitatifs ou autres), de baisses des taux directeurs à tout va, et d’injections massives de liquidités dans le système, les banques centrales des principaux pays continuent à faire enfler la dette publique mondiale.

Espérons que nos brillants économistes arriveront à comprendre ce qui s’est passé avec la crise grecque (et qui en train de se dérouler sous nos yeux, avec les conséquences dramatiques sur le plan social pour le peuple grec !) et qu’ils en tireront les leçons pour assainir enfin la folle dérive financière qui gangrène notre planète.