Votre banque pourrait bloquer l’accès à votre compte courant pendant 20 jours
10 Aout 2017
Au beau milieu de l’été, une dépêche de Reuters est passée presque inaperçue, les médias étant tous absorbés par les nièmes rebondissements de l’affaire du petit Gregory. Pourtant, ce n’est pas ce qui s’est passé il y a 30 ans sur les berges de la Vologne qui devraient préoccuper nos journalistes, mais bien ce qui se trame aujourd’hui à Bruxelles. Selon Reuters, l’Union Européenne étudierait la possibilité de bloquer les comptes courants des ressortissants de l’UE en cas de crise bancaire (Source: “EU explores account freezes to prevent runs at failing banks” Reuters, July 28, 2017).
Cette dépêche de Reuters précise que votre banque pourrait refuser tout paiement en liquide à ses guichets …pendant une durée pouvant aller jusqu’à 20 jours !!! Oui, vous avez bien lu, presque 3 semaines sans avoir la possibilité d’accéder à votre compte.
Le matraquage de l’épargnant et l’utopie d’une société sans espèce ne font donc que s’aggraver dans les pays de l’Union. Après la taxation des dépôts des particuliers (ce qu’a initialisé la Raiffeisenbank en Allemagne), après la tentative d’instaurer des taux d’intérêts négatifs sur les livrets d’épargne (ce qu’a envisagé de mettre en place la Belgique), après la ponction de votre compte en cas de faillite de votre banque (directive en vigueur depuis le 1er Janvier 2016 sous le nom de BRRD « Bank Recovery and Resolution Directive »), après la promulgation de la loi Sapin 2 (l’article 21 permet au Haut Conseil de stabilité financière de suspendre, retarder ou limiter les retraits de l’assurance-vie), voici que nos stratèges européens veulent tout simplement nous interdire l’accès à nos comptes courants.
La taxation, la saisie et maintenant la mise sous séquestre de nos deniers ! Comme si c’était un crime de posséder de l’argent sur son compte courant!
Et la raison invoquée pour ce blocage: éviter le naufrage de notre banque en cas de ruée des déposants vers les guichets (le ‘bank run’ anglo-saxon).
Ainsi donc, alors que l’on s’approche du dixième anniversaire de la crise des subprimes, alors que d’innombrables mesures ont été prises pour réguler la finance mondiale, que des stress tests (soit disant infaillibles ?) ont été élaborés pour tester la résistance des banques, voilà que l’on dégaine l’arme suprême : le blocage des comptes des particuliers !
Ce qui est grave dans cette histoire, ce n’est pas cette proposition (sensée donner du temps au système bancaire pour trouver une solution en cas de défaillance d’un des leurs), mais bien son timing. Après tout, si cette mesure avait été prise dans la foulée de la chute de Lehman Brothers, cela aurait été totalement compréhensible.
Mais venir, une décennie plus tard, brandir cette menace ultime en dit long sur la confiance que nos stratèges européens ont dans les opérations de recovery du système financier actuel.
Il faut dire que depuis 2007 la dette publique à pratiquement doublée, atteignant les 20 000 Mds$, la conséquence désastreuse d’une décennie de taux ultra bas (voire négatifs) et d’une politique accommodante non conventionnelle (rachat massif d’actifs douteux par les banques centrales). Que ce soit aux USA avec Janet Yellen ou en Europe avec Mario Draghi, la planche à billet n’a jamais autant fonctionné, inondant le marché de liquidités, dans l’espoir de relancer la croissance et de faire repartir l’inflation à la hausse…une peine perdue jusqu’à présent !
Pour parler clair, en mettant sur la table cette proposition de blocage des comptes courants, les financiers de Bruxelles reconnaissent implicitement que rien n’a changé depuis 2008 et que le risque d’une nouvelle rechute du système bancaire mondial est toujours d’actualité.
Après la trêve estivale, les discussions devraient reprendre sur ce texte porté par l’Estonie, l’actuel pays dirigeant les institutions européennes. En espérant qu’il n’y ait pas un nouveau rebondissement dans l’affaire Gregory et que les médias consacrent cette fois du temps à cette proposition de l’UE de blocage des comptes, une proposition qui , si nous n’y prenons garde, pourrait avoir des implications énormes sur notre vie au quotidien !