Politiques divergentes sur les taux entre la FED et la BCE en 2016
16 Décembre 2015
Ce 16 Décembre 2015, après 10 ans de taux directeurs proches de zéro, la présidente de la Fed, Janet Yellen vient donc de relever de 0,25% (25 points de base) ses ‘fed funds’. Ce tour de vis historique de la politique monétaire US (malgré le montant dérisoire de l’augmentation) est supposé traduire dans les faits la reprise économique outre-Atlantique.
De son côté, pour lutter contre un risque de déflation persistante dans la zone Euro, Mario Draghi vient de faire exactement l’opposé, en diminuant les taux de la BCE et en étendant son programme d’assouplissement monétaire (ou QE). Nous allons essayer de comprendre pourquoi les politiques économiques de la FED et de la BCE vont à contre-courant des 2 côtés de l’Atlantique ?
La FED de Janet Yellen donne un tour de vis et enterre 7 années d’immobilisme sur les taux zéro aux USA
Côté US, le paysage des taux de la FED est maintenant bien établi. Voilà 7 ans, jour pour jour, que la Réserve Fédérale américaine abaissait ses taux directeurs à leurs plus bas niveaux jamais atteints : une fourchette comprise entre 0 et 0,25%.
Nous étions à l’automne 2008 et il y avait alors le feu au lac: suite à la crise des subprimes, la 3ème banque d’affaire US : Lehman Brothers venait de faire faillite: il fallait éviter à tout prix la contagion et éloigner au plus vite le spectre d’un krach boursier, genre 1929.
A cet écrasement des taux, la FED allait ajouter successivement 3 plans d’assouplissement quantitatifs (Quantitative Easing), le dernier en date (QE3) ayant pris fin très récemment, en Octobre 2014.
Ces politiques dites ‘accommodantes’, dont le Japon s’est fait le champion dès l’année 2001, ont pour but de racheter massivement les actifs financiers des banques (obligations, titres hypothécaires, actifs à risques,..) dans le but d’encourager l’octroi de nouveau crédits et en final, de faire repartir l’économie.
Et il faut bien avouer que ce rouleau compresseur à 2 étapes (Baisse des taux jusqu’au plancher, puis QE multiples) a permis d’éviter le pire jusqu’à présent : il n’y a pas eu de nouveau Vendredi noir, même si les séquelles de la crise de 2008 sont loin d’être négligeables partout dans le monde (Islande, Grèce,..) !
Par contre, cette intervention musclée de la FED ne s’est pas faite sans douleur, vous vous en doutez ! On estime à plus de 3200 milliards d’euros le montant des liquidités que l’honorable institution financière a du injecter dans le secteur financier pour endiguer la crise.
Problème : les résultats produits sont bien modestes, en regard de ces milliards de papier-monnaie qu’il a fallu imprimer ! A cela s’ajoute le questionnement de certains experts qui considèrent que cette politique d’assouplissement (qui a duré 7 longues années, je le rappelle) a fait gonfler artificiellement le marché des actions, enrichissant les plus riches et creusant les inégalités.
Quoi qu’il en soit, le dernier QE US est bien terminé depuis Octobre 2014 et ce Mercredi 16 Décembre 2015, Mme Yellen vient enfin de mettre fin à 7 années de taux zéro. Ne boudons pas notre satisfaction et allons voir pourquoi Mr Draghi fait exactement l’inverse en Europe.
Laxiste, la BCE de M. Draghi assoupli (encore plus) son Quantitative Easing à l’européenne
De ce côté de l’atlantique il est fréquent de considérer que nous avons quelques années de retard par rapport à ce qui se passe aux USA et, de plus, nous aurions tendance à copier le meilleur …comme le pire !
Pour la politique monétaire cela semble être le cas : le 1er QE de Super Mario ne date que de Janvier 2015. Pas de quoi se précipiter sur des médicaments me direz-vous si vous n’êtes pas malade ! Et il est vrai que l’Europe a pu contenir tant bien que mal l’effet de la crise de subprimes en se limitant à la seule baisse de taux jusqu’à ce 22 Janvier 2015.
Mais, ce jour-là, malgré l’opposition de l’Allemagne, l’alter-ego de Janet allait administrer à l’Europe son premier remède de cheval, un QE à l’européenne d’un montant de 1140 milliards d’euros, sous forme de rachat d’actifs (à hauteur de 60 milliards par mois de Mars 2015 à Septembre 2016).
Pour quels résultats ? : aucun jusqu’à présent! En effet, fin 2015, le spectre de déflation était toujours présent dans la zone Euro, Mario Draghi décide donc de remettre le couvert, pas plus tard que ce jeudi 3 décembre.
A partir de ce jour-là, le taux appliqué à la facilité de dépôts passe de -0,2% à -0,3% (Oui, oui : vous avez bien lu : ce sont des taux négatifs !: on vous rend moins d’argent que vous n’en avez prêté ! Mais rassurez-vous, cela se passe entre la BCE et les banques d’affaires, ce n’est pas encore arrivé au niveau des consommateurs !!!).
A cette réduction des taux, Super Mario ajoute un renforcement des rachats d’actifs du QE, en d’autre termes, il augmente la dose du remède ! Cela ne sera plus 1140 milliards, mais bien 1500 milliards d’euros qui seront rachetés par la vénérable institution européenne. La ponction de 60 milliard mensuelle sera tout simplement prorogée de septembre 2016 à mars 2017.
Europe-USA : le grand écart sur les politiques monétaires de la BCE et de la FED ?
Ainsi donc, à quelques jours d’intervalle Mario rend sa politique monétaire plus accommodante (le 3 décembre) et Janet durcit la sienne en relevant ses taux (le 16 décembre).
Le grand écart entre la FED et la BCE ? Nos 2 brillants directeurs des réserves fédérales auraient-ils oublié que nous sommes dans une économie globalisée ? Pas tout à fait, mais il est vrai que leur mandats portent sur 2 zones géographiques aux caractéristiques macro-économiques fort différentes.
Du côté US, la FED est sous les feux de la rampe depuis plus d’un an. Son refus persistant d’augmenter les taux commençait à faire jaser outre-Atlantique et pouvait mettre en danger sa crédibilité. La reprise économique étant une réalité tangible chez l’Oncle Sam (avec la création d’emploi qui l’accompagne), il aurait été inconcevable de maintenir plus longtemps des taux nuls. De plus les marchés avaient anticipés cette décision, et cela malgré des signes d’essoufflement de la croissance chinoise et la pression à la baisse sur le prix de l’or noir. En d’autres termes, Janet n’avait pas le choix : comme l’attendait les marchés, elle a donc donné un (très) léger tour de vis à sa politique monétaire.
Du côté de la zone Euro, c’est un tout autre son de cloches. La BCE n’arrive toujours pas à faire repartir l’inflation, et ce malgré des taux à quasiment zéro (0,05% depuis Septembre 2014) et malgré la mise en place de son premier QE en Janvier 2015. En cette fin d’année, la croissance est poussive, le risque de déflation permanent et les attentats de Paris font peser une menace sur la confiance des consommateurs. Là aussi les marchés attendaient des actions bien précises de la BCE, à savoir un accroissement à grande échelle de son programme d’assouplissement. Ils ont été déçu par les mesures timorées de Super Mario qui a voulu préserver l’avenir et a dû tenir compte de la réticence allemande à l’extension de son plan de rachat d’actifs, d’où son plan à minima !
Alors quel va être le résultat de ces 2 politiques contradictoires entre la FED et la BCE? Encore une fois, ce sont les forces du marché qui vont régler ce différend ! Attendez-vous donc à assister en 2016 à une plus grande instabilité sur les taux de change euro/dollar… et a d’inévitables interventions des banques centrales si cette parité altère trop les balances de paiement des 2 zones. Quant au cours de l’or, il devrait normalement baisser avec l’augmentation des taux US, mais rien n’est moins sûr car 25 points de base c’est véritablement ‘peanuts’ comme disent les anglo-saxons ! Consultez le graphique sur la page d’accueil de AcheterOr.org pour suivre l’évolution en temps réel du cours du métal jaune.